En France, une personne menstruée sur deux déclare avoir déjà dissimulé ses règles à son partenaire par crainte de réactions négatives. Malgré la banalité du cycle menstruel, les non-dits persistent dans de nombreux couples. Certains hommes admettent ne jamais avoir abordé ce thème avec leur compagne, faute de repères ou par peur d’être maladroits.
Ce silence alimente incompréhension et malaise, alors même que l’ouverture sur ces questions favorise la confiance et le soutien mutuel. Aborder ce sujet reste pourtant une étape clé pour accompagner au mieux une partenaire concernée.
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Les règles : un sujet encore tabou mais essentiel dans la vie de couple
Dans bien des couples, le sujet des règles reste noyé sous une couche de réserve, parfois teintée de gêne. La stigmatisation qui entoure le cycle menstruel ne date pas d’hier : pendant des siècles, les menstruations ont été reléguées au rang de secret honteux. Aujourd’hui encore, la parole peine à se libérer. D’après une enquête Ifop menée en 2023, plus de la moitié des femmes interrogées évitent d’aborder franchement leurs menstruations avec leur partenaire. Ce qui ressort ? Peur de dégoûter, peur d’être jugée, sentiment d’être incomprise.
Le fonctionnement du cycle menstruel demeure flou pour beaucoup, même au sein de la vie à deux. Les discussions sur la douleur, la lassitude ou les bouleversements émotionnels liés au syndrome prémenstruel sont rares. Pourtant, mettre des mots sur ces réalités nourrit la confiance et la compréhension réciproque. La honte attachée aux règles finit par miner l’estime de soi, ralentir le dialogue, et installer une distance insidieuse.
Voici pourquoi évoquer les règles dans le couple a toute sa place :
- Partager ses expériences autour des règles crée un terrain d’écoute et permet à chacun d’exprimer ses attentes ou ses limites.
- Nommer les choses, c’est aussi sortir du flou : moins de malentendus, plus d’égalité, et une relation qui respire mieux.
Cette question des règles dans le couple dépasse la simple vie privée. Elle s’inscrit dans un mouvement de société où, peu à peu, la parole se fait plus franche. Considérer les règles comme un vrai sujet de discussion, ni honteux ni quelconque, c’est leur redonner la place qu’elles occupent dans le quotidien, et dans la relation à l’autre.
Pourquoi tant d’hésitations à en parler avec son petit ami ?
Le malaise qui s’accroche à la conversation sur les règles ne s’évanouit pas d’un coup de baguette magique, même dans les couples les plus à l’aise. Dès l’adolescence, la famille, parfois les parents eux-mêmes, cultivent la discrétion : le cycle menstruel reste l’affaire des filles, rarement partagé avec les garçons. Ce silence s’installe, puis s’enracine dans la vie de couple.
Pourtant, la communication est la pierre angulaire du lien amoureux. Aborder le sujet des règles avec son petit ami soulève des craintes multiples. Beaucoup redoutent d’être mal à l’aise, moquées ou incomprises. D’autres ont peur de minimiser des symptômes parfois lourds : douleurs, épuisement, irritabilité face à un regard qui semble extérieur, voire peu concerné.
Les stéréotypes persistent : la période des menstruations serait « sale », « impure », ou « inavouable ». Ce poids social nourrit l’autocensure, d’autant que la plupart des jeunes hommes n’ont jamais reçu le moindre éclairage sur le sujet. Selon l’Ifop, en 2023, 66 % des garçons interrogés reconnaissent se sentir mal à l’aise ou démunis face à ces questions, faute d’échanges à la maison ou à l’école.
Voici ce qui freine concrètement le dialogue :
- L’absence de modèles ou de repères rend la discussion difficile, ce qui nourrit la peur de mal s’y prendre.
- Parler des règles revient souvent à naviguer entre une pudeur héritée et le désir d’être authentique.
Pour beaucoup, la première vraie conversation sur les règles marque un tournant : c’est un moment de test, où l’écoute et le respect de l’autre prennent tout leur sens.
Comprendre ce que vivent les personnes menstruées pour mieux soutenir
Chaque mois, les personnes menstruées affrontent une succession de bouleversements, physiques comme émotionnels, rarement abordés entre quatre yeux. Le cycle menstruel ne se limite pas à la perte de sang. Il s’accompagne d’un cortège de symptômes : crampes abdominales, maux de tête, fatigue profonde. À cela s’ajoutent les variations hormonales qui peuvent jouer sur l’humeur, la capacité de concentration, ou même la façon de gérer le stress.
Le syndrome prémenstruel (SPM), à lui seul, représente un défi : irritabilité, tristesse, anxiété, douleurs musculaires ou seins gonflés. Rien d’anecdotique à tout cela : ces manifestations compliquent le quotidien et peuvent peser sur la vie de couple. Selon Santé publique France, près de 8 personnes concernées sur 10 font l’expérience de douleurs menstruelles au moins une fois à chaque cycle ; pour un tiers d’entre elles, le ressenti est particulièrement intense.
Les principales difficultés rencontrées sont variées :
- Les crampes menstruelles surgissent avant ou pendant les règles et peuvent durer plusieurs jours.
- Les symptômes psychologiques, anxiété, irritabilité, baisse de moral, passent souvent inaperçus, mais n’en sont pas moins difficiles à vivre.
Adopter une attitude de bienveillance commence par reconnaître cette réalité. Trop souvent, la douleur ou la fatigue sont minimisées, laissées de côté. S’informer, ouvrir le dialogue sur le cycle menstruel et ses impacts, c’est offrir un vrai soutien, loin des idées reçues. Faire preuve d’écoute, sans jugement, c’est aussi bâtir un climat de confiance et briser peu à peu la solitude qui entoure encore trop souvent ces sujets.
Des pistes concrètes pour aborder la conversation sans malaise
Ouvrir la discussion sur les règles repose avant tout sur la confiance. Pas besoin d’en faire un événement : un petit ami peut amener le sujet avec simplicité, sans détour : « Tu veux en parler ? », « Comment tu te sens pendant tes règles ? » Quelques mots francs suffisent souvent à dédramatiser la situation, sans infantilisation ni malaise.
Voici plusieurs idées pour engager la conversation ou la rendre plus facile :
- L’humour discret désamorce parfois la gêne. Un clin d’œil à une serviette hygiénique ou une culotte menstruelle laissée dans la salle de bains peut aider à briser la glace en douceur.
- S’intéresser aux produits menstruels utilisés, tampon, cup, protection lavable, et proposer d’avoir un kit de secours à la maison montre une attention concrète.
La communication se nourrit aussi de détails. Prêter attention à la fatigue ou à l’irritabilité, sans insister si le contexte ne s’y prête pas, peut faire la différence. Certains couples choisissent d’utiliser une application de suivi menstruel ensemble : une façon simple de mieux anticiper les besoins du partenaire, mais aussi de normaliser le cycle menstruel.
Aborder la question des relations sexuelles pendant les règles demande du tact et du respect. Chacun avance à son rythme, et il arrive que la discussion se poursuive avec un professionnel de santé pour clarifier doutes ou inquiétudes. Ce qui compte : parler avec sincérité, accepter que la conversation soit parfois délicate, mais qu’elle mérite d’avoir lieu.
Donner une place à la parole, c’est déjà bousculer le vieux tabou. Et si, dans quelques années, parler des règles avec son partenaire n’était plus synonyme de malaise, mais simplement de complicité partagée ?