1600 ans de prescriptions alimentaires, ce n’est pas un détail de calendrier. Les règles du Carême s’invitent encore aujourd’hui dans la vie de millions de croyants, entre héritage, adaptation et débats. Pour qui veut respecter ces interdits, mieux vaut comprendre les subtilités d’un système conçu pour évoluer, plus que pour sanctionner.
Le jeûne du Carême, instauré depuis le IVe siècle, trace sa frontière : la viande, absente certains jours précis, alors que le poisson reste permis, peu importe la quantité. Les enfants de moins de 14 ans et les plus de 60 ans échappent à l’exigence stricte du jeûne, sauf le vendredi. Ici, la tradition n’est jamais figée, elle s’inscrit dans l’histoire et s’adapte aux réalités de chacun.
Selon les pays et les décisions des conférences épiscopales, le calendrier des interdits fluctue. Les produits laitiers, longtemps bannis, ont retrouvé leur place à la table dans de nombreuses régions. Ces évolutions ne vont pas sans susciter discussions et parfois, un certain désarroi chez les pratiquants les plus attachés à la lettre des règles.
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Le Carême, un temps fort pour les chrétiens : origines et sens
Le Carême ne se contente pas de jalonner l’année liturgique des chrétiens : il en est l’un des piliers. Né dans les premiers siècles, il s’étend sur quarante jours, du Mercredi des Cendres jusqu’à Pâques. Ce chiffre, qui revient sans cesse dans la Bible, quarante jours de déluge, quarante années d’exode, quarante jours de tentation pour Jésus-Christ,, marque une volonté de transformation intérieure.
Pendant ce temps, les fidèles sont invités à vivre trois dimensions : prière, jeûne et partage. Plus qu’une simple privation, le Carême propose une pause pour réfléchir, s’alléger, préparer son cœur à la fête pascale, sommet de la foi chrétienne. Il s’agit d’un cheminement vers une conversion personnelle, dans la discrétion et la sincérité.
Le calendrier liturgique jalonne également d’autres moments de pénitence : les Quatre-Temps, à chaque changement de saison, et les vigiles avant les grandes fêtes comme Noël, l’Ascension ou la Toussaint. Les commandements de l’Église, sanctifier le dimanche, se confesser, communier au moins une fois l’an, pratiquer l’ascèse, soutenir la communauté, servent de repères concrets, précisés dans le Catéchisme de l’Église catholique.
Pour beaucoup, le Carême reste un moment fort, à la fois personnel et collectif, qui relie chacun à une histoire, une recherche de sens et un désir de renouvellement.
Qui est concerné par les règles du jeûne et de l’abstinence ?
Les prescriptions de jeûne et d’abstinence ne s’appliquent pas uniformément à tous. Dans la tradition catholique, elles concernent principalement les adultes en bonne santé, de 18 à 59 ans. Les plus jeunes sont invités à comprendre l’esprit de pénitence, sans y être formellement soumis. Personnes âgées, malades, ou ceux dont le travail et la santé ne permettent pas ces restrictions bénéficient d’une dispense, souvent décidée au cas par cas, en dialogue avec un aumônier ou un prêtre.
Deux journées encadrent la pratique du jeûne pour tous ceux qui le peuvent : Mercredi des Cendres et Vendredi saint. À chaque vendredi du Carême, l’abstinence de viande s’impose, sauf nécessité particulière. Cette tradition, inscrite dans le Catéchisme de l’Église catholique, vise moins à contrôler qu’à encourager un cheminement personnel, soutenu par la communauté.
Des évolutions ont été portées par des responsables comme Mgr Joly de Choin ou Mgr Primat, qui ont assoupli les règles pour les plus fragiles ou les travailleurs. L’accompagnement par un prêtre ou un évêque reste central, surtout face à la maladie ou à la vieillesse. Ici, la règle ne cherche pas à s’imposer aveuglément, mais à guider chaque croyant vers une expérience de partage et de réflexion, adaptée à ses capacités, toujours dans le respect des plus vulnérables.
Quelles sont les principales obligations et interdictions pendant le Carême ?
Pour donner un aperçu concret des pratiques attendues, voici les trois axes qui structurent le Carême selon la tradition et le Catéchisme de l’Église catholique :
- Le jeûne : observé le Mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Un seul vrai repas, deux collations légères acceptées. Ce geste volontaire vise à soutenir la prière et à ramener l’attention sur l’essentiel, loin de la simple privation alimentaire.
- L’abstinence de viande : attendue chaque vendredi du Carême, y compris le Mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Le poisson, les œufs et les produits laitiers sont permis. Cette pratique rappelle l’esprit de sobriété et l’effort de renoncement.
- Confession et communion : avant Pâques, les fidèles sont invités à renouer avec le sacrement de la réconciliation. Un véritable examen de conscience, pour repartir sur de nouvelles bases.
La liturgie du Carême change aussi de ton : on n’entend plus l’alléluia ni le gloria pendant les offices, pour marquer la dimension pénitentielle de la période. Côté mariages, ils restent possibles, sauf le Vendredi saint et le Samedi saint, jours de recueillement très particulier.
Les commandements de l’Église rappellent aussi de sanctifier le dimanche, d’apporter un soutien concret à la communauté, et d’approfondir la prière, le partage et la conversion. Ces obligations et interdits dessinent le cadre du cheminement spirituel jusqu’à Pâques.
Évolution des pratiques : comment les règles se sont adaptées au fil du temps
Les interdictions des chrétiens ont suivi l’histoire, jamais figées, toujours repensées au fil des siècles. Au début, la rigueur était la règle : le Carême imposait le jeûne tous les jours, renforcé par les Quatre-Temps et les veilles de grandes fêtes. À cette époque, la règle s’appliquait à tous, sans distinction.
Peu à peu, des allègements ont vu le jour. Sous l’impulsion de personnalités comme Mgr Joly de Choin ou Mgr Primat, les prescriptions se sont adaptées à la santé, à la situation de pauvreté, ou encore à la difficulté du travail. Aujourd’hui, la maladie, la grossesse, l’âge avancé ouvrent la porte à des dispenses. Au XXe siècle, le mandement de Mgr Louis-Ernest Dubois a officialisé cette évolution, soulignant que la charité prime désormais sur la privation matérielle.
La discipline de l’abstinence de viande, elle aussi, s’est assouplie. Dans la plupart des pays, seules les journées du vendredi de Carême, du Mercredi des Cendres et du Vendredi saint restent concernées. Les commandements de l’Église encouragent désormais surtout un cheminement intérieur, axé sur la prière, la conversion et la solidarité. Cette capacité d’adaptation révèle une volonté de conjuguer fidélité à l’héritage et prise en compte de chaque situation personnelle.


