En 2019, l’Organisation mondiale de la santé a recommandé moins d’une heure d’exposition quotidienne aux écrans pour les enfants de moins de cinq ans. Pourtant, la durée d’utilisation dépasse souvent ce seuil dès le plus jeune âge, avec des moyennes qui grimpent à plus de deux heures par jour dans plusieurs pays développés.
Des chercheurs ont observé une corrélation entre l’augmentation du temps passé devant les écrans et la hausse de troubles du sommeil, d’anxiété et de difficultés d’attention. Ces constats soulèvent de nouvelles interrogations sur les mécanismes cérébraux affectés et sur les mesures à adopter pour limiter ces risques.
Plan de l'article
Pourquoi notre cerveau réagit-il si fortement aux écrans ?
Impossible d’évoquer le lien entre cerveau et écrans sans parler de la dopamine. Cette molécule, messagère du plaisir, pilote notre élan, oriente nos choix et déclenche la sensation de récompense. Chaque notification, un message, un like, une alerte, active ce circuit, délivrant une dose rapide de satisfaction. À force de répétition, ces gratifications instantanées sculptent une routine qui favorise l’addiction comportementale, surtout chez les plus jeunes.
Chez l’enfant comme chez l’adolescent, la plasticité cérébrale bat son plein. Leur cerveau, encore en pleine évolution, réagit vivement à l’environnement. Une exposition prolongée aux écrans stimule intensément les voies de la récompense, tout en perturbant le développement du cortex préfrontal, ce secteur qui pilote la concentration et les prises de décision. Ici se joue le délicat apprentissage de la patience, de l’attention soutenue, de la résistance aux tentations.
L’attrait pour les écrans ne relève ni du caprice ni d’un défaut de volonté. Il plonge ses racines dans la structure profonde de notre système nerveux. À travers leur cerveau malléable, les enfants se montrent d’autant plus sensibles à cette stimulation continue. Les expériences numériques répétées renforcent certains réseaux neuronaux, parfois au détriment d’autres, ce qui peut modifier le développement cognitif et la capacité à gérer les émotions.
Pour mieux saisir ces dynamiques, voici les principaux points qui expliquent l’intensité de l’impact des écrans sur le cerveau :
- Les effets des écrans sur le cerveau se trouvent renforcés par la fréquence des sollicitations numériques.
- Le cortex préfrontal, moins mature chez l’enfant, ne possède pas encore tous les filtres nécessaires pour trier le flux d’informations.
- La plasticité cérébrale, véritable force du jeune âge, devient un facteur de vulnérabilité face à une exposition excessive.
Les effets des écrans sur la santé mentale et physique, chez l’adulte comme chez l’enfant
Le rapport aux écrans transforme en profondeur la santé mentale et physique. L’usage excessif chez les enfants et adolescents s’accompagne d’une hausse de l’anxiété, de la dépression et d’un isolement social accentué. Les réseaux sociaux, terreau du cyberharcèlement, fragilisent l’estime de soi : confrontés à des modèles inaccessibles, les plus jeunes se comparent, se jugent, perdent pied. À cela s’ajoute une baisse du bien-être, surtout lorsque les écrans empiètent sur le sommeil ou les relations familiales.
Les adultes ne sont pas épargnés. L’hyperconnexion professionnelle brouille la séparation entre sphère privée et travail. L’anxiété s’installe, alimentée par l’obligation tacite de réactivité permanente. Progressivement, la dépression prend racine, l’isolement s’installe, parfois même au sein du foyer.
Les conséquences physiques s’accumulent : douleurs musculaires et articulaires à force de postures figées, fatigue oculaire, sédentarité grandissante. Pour les enfants, l’équilibre entre apprentissage numérique et développement moteur reste fragile. Si les écrans ouvrent la porte à la connaissance ou maintiennent le lien social, un usage non maîtrisé expose à des risques sur le long terme.
Les principales répercussions de la surexposition aux écrans se résument ainsi :
- Progression de l’anxiété et de la dépression chez les plus jeunes
- Diminution de l’estime de soi sous l’influence des médias sociaux
- Incidence sur la motricité fine et le développement cognitif des enfants
- Renforcement de l’isolement social et du cyberharcèlement
Risques méconnus : attention, sommeil, posture… ce que l’on oublie souvent
Les effets de l’exposition prolongée aux écrans vont bien au-delà de la sphère psychologique. Des impacts plus subtils, parfois négligés, s’installent dans la routine quotidienne. La lumière bleue diffusée par les écrans, smartphones, tablettes, ordinateurs, perturbe la sécrétion de mélatonine. Conséquence directe : un sommeil troublé. Difficultés d’endormissement, nuits raccourcies, réveils agités : la qualité du repos vacille, surtout lorsque les écrans s’invitent juste avant le coucher.
La concentration constitue un autre point sensible. Les multiples sollicitations numériques fragmentent l’attention : chaque vibration, chaque alerte interrompt la réflexion, perturbe la mémoire de travail. Pour les enfants, dont le cerveau se façonne encore, ces interruptions répétées peuvent laisser des traces. Pour les adultes, la capacité à rester concentré décline, la vigilance s’érode.
Le corps aussi subit les conséquences de cette sédentarité imposée. Douleurs cervicales, tensions dorsales ou articulaires, les troubles musculosquelettiques se multiplient, sous l’effet de postures maintenues devant les écrans. De nombreuses études établissent le lien entre usage intensif et maladies comme l’obésité, le diabète de type 2 ou les affections cardiovasculaires. Les habitudes de vie évoluent : moins de mouvement, davantage de risques à long terme.
Voici quelques manifestations concrètes de ces risques souvent sous-estimés :
- Syndrome de vision artificielle : picotements, fatigue oculaire persistante.
- Troubles de l’attention : difficulté à se consacrer durablement à une seule tâche.
- Altération du sommeil : exposition à la lumière bleue en soirée.
- Sédentarité : progression des troubles métaboliques.
Adopter de nouveaux réflexes pour limiter l’impact des écrans au quotidien
L’ANSES, l’INSERM et des experts indépendants rappellent régulièrement que l’utilisation excessive des écrans nuit au cerveau des enfants. S’adapter devient impératif. Des points de repère sont proposés. Serge Tisseron et Sabine Duflo, spécialistes du sujet, préconisent d’établir des limites précises, modulées selon l’âge et la réalité familiale.
Pour faciliter la mise en place de ces recommandations, voici quelques stratégies concrètes :
- Définir des moments sans écran : par exemple, pendant les repas ou avant d’aller dormir.
- Favoriser la co-activité : regarder ensemble, échanger sur les contenus, accompagner l’enfant dans l’exploration numérique.
- Mettre en place la règle des pauses fréquentes : toutes les 20 minutes, se lever, s’étirer, regarder au loin.
Depuis la loi n° 2023-566, l’usage du numérique à l’école est encadré. Ce cadre existe, mais la vigilance quotidienne demeure l’affaire de chacun. Les recommandations insistent : varier les activités, réintroduire des jeux physiques, lire, tout cela stimule le développement et contrebalance les effets négatifs des écrans sur la santé mentale et physique.
Selon l’ANSES, il vaut mieux ne pas dépasser une heure d’écran par jour avant six ans, et éviter toute exposition avant trois ans. Mais au-delà de la quantité, la question de la qualité des contenus, de l’environnement et de la posture demeure centrale. Les règles doivent se discuter en famille, dans le respect du rythme de chacun. Préserver la plasticité cérébrale, protéger l’attention et le sommeil, c’est aussi défendre l’équilibre global de l’enfant.
À l’heure où les écrans colonisent nos vies, réapprendre à manier la distance, à retrouver le goût du mouvement, c’est peut-être offrir à notre cerveau ce dont il a réellement besoin : la possibilité de s’épanouir, loin des sollicitations qui le dispersent.

